MARILHAT
NÉ EN 1811 — MORT EN 1847
Quelque temps après la révolution de juillet, vers
1833 à peu près, une petite colonie d’artistes, un campe-
ment de bohèmes pittoresques et littéraires menait une
existence de Robinson Crusoé, non dans l’île de Juan
Fernandez, mais au beau milieu de Paris, à la face de la
monarchie constitutionnelle et bourgeoise, à cet angle
du Carrousel laissé en dehors de la circulation comme
ces places stagnantes des fleuves où ni courants ni re-
mous ne se font sentir.
C’est un endroit singulier que celui-là : à deux pas du
roulement tumultueux des voitures, vous tombez tout à
coup dans une oasis de solitude et de silence. La rue du
Doyenné se croise avec l’impasse du même nom, et s’en-
fonce au-dessous du niveau général de la place par une
pente assez rapide ; l’impasse se termine par une espèce
de terrain fermé assez peu exactement d’une clôture de
planches à bateaux noircies par le temps. Les ruines d’une
église, dont il reste une voûte en cul de four, deux ou
trois piliers et un bout d’arcade contribuent à rendre ce
lieu sauvage et sinistre. Au delà s’étendent, jusqu’à la