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184 PORTRAITS ET SOUVENIRS LITTÉRAIRES.

dients fantastiquement bizarres et cabalistiquement vénéneux, Baudelaire peut dire comme les sorcières de Macbeth : "Le beau est horrible, l’horrible est beau." Cette sorte de laideur voulue n’est donc pas en contradiction avec le but suprême de l’art, et des morceaux tels que les Sept Vieillards et les Petites Vieilles ont arraché au saint Jean poétique qui rêve dans la Palmos de Guernesey cette phrase, qui caractérise si bien l'auteur des Fleurs du mal : "Vous avez doté le ciel de l'art d’on ne sait quel rayon macabre ; vous avez créé un frisson nouveau." — Mais ce n’est, pour ainsi dire, que l’ombre du talent de Baudelaire, cette ombre ardemment rousse ou froidement bleuâtre qui lui sert à faire valoir la touche essentielle et lumineuse. Il y a de la sérénité dans ce talent si nerveux, si fébrile et si tourmenté en apparence. Sur