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GÉRARD DE NERVAL.

Nous l’avions parfois doucement raillé sur ses caprices soudains à l’endroit de femmes aperçues de loin et dont il évitait même de se rapprocher, pour ne pas détruire son illusion, disait-il. Le reproche lui était resté sur le cœur, et, dans son Voyage en Orient, il semble y répondre par ces lignes, auxquelles sa fin douloureuse prèle une signification sinistre :

« J’ai entendu des gens graves plaisanter sur l’amour que l’on conçoit pour des actrices, pour des reines, pour des femmes poëtes, pour tout ce qui, selon eux, agite l’imagination plus que le cœur : et pourtant, avec de si folles amours, on aboutit au délire, à la mort ou à des sacrifices inouïs de temps, de fortune ou d’intelligence. Ah ! je crois être amoureux ? ah ! je crois être malade, n’est-ce pas ? Mais, si je crois l’être, je le suis. »