Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/153

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consistent en pans de murs ébréchés, en arrachements suspendus, en fontis de voûtes, en cages de logis effondrées ; en tours sans plancher, faites pour le vol circulaire de la chauve-souris, en remparts portant à leur faîte quelques fragments des moucharabys par lesquels ruisselaient aux jours d’assaut l’huile bouillante, le plomb et la poix fondus, sur les casques des assaillants ; le tout entremêlé d’écroulements, de décombres, de pierres, où ont poussé l’ortie, la ciguë, l’asphodèle, les saxifrages, toutes les plantes pariétaires, et même de grands arbres ; — chose étrange qu’un arbre poussé dans une chambre, et soulevant de ses racines la pierre du foyer !

Mais n’ayez pas peur : l’aubergiste, qui s’est installé dans les portions les mieux conservées de l’édifice, a fait le ménage des ruines sans leur ôter rien de leur caractère. Des rampes garnissent les endroits dangereux, des escaliers de bois donnent accès aux portions isolées par l’écroulement et permettent de monter jusqu’au haut de la tour carrée, le donjon, la citadelle du manoir, encore ferme sur ses fondations d’origine romaine. Cette tour est la seule qu’ait laissée debout Eberhard le Larmoyeur, lorsqu’en guerre avec Wolff d’Eberstein, il détruisit, en 1337, ce burg bâti au XIe siècle,