Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/16

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à ce courrier électrique, que nulle vitesse ne dépasse, on pouvait laisser galoper les formidables chevaux de cuivre et d’acier, nourris de feu et d’eau bouillante. À travers le tumulte apparent régnait une admirable prudence, et aucun accident ne vint attrister la belle fête. — Des cantonnières en jupon court, en blouse bleue serrée par une ceinture, coiffées d’un chapeau de cuir verni, une trompette de signal en bandoulière, certifiaient, sur chaque côté de la route, que le passage était libre. Dans ce siècle, où les femmes ne trouvent aucun emploi hors des travaux d’aiguille, si peu rétribués, voilà une fonction qui n’exige ni force, ni long apprentissage. Il suffit de comprendre quelques signaux, d’exécuter une consigne avec attention et intelligence. Les femmes, plus sobres que les hommes, ne s’enivrent pas et sont moins sujettes à s’endormir ; elles ont, en général, la vue plus longue et l’ouïe plus fine, et elles nous paraissent très-propres à ce métier.

À dix heures et demie, nous trouvâmes enfin place dans un wagon, que nous abandonnâmes à Bayeux, dont la silhouette, vue du débarcadère, nous plaisait fort. Une magnifique cathédrale, avec deux flèches aiguës et une tour posée à l’intersection du transept et