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lité, de la Vertu écrasant le Vice. — Les bas-reliefs de la cathédrale et les disques du coffret doivent être à peu près du même temps, du xie ou xiie siècle. Une de ces sculptures, d’une exécution sauvage et barbare, nous fit longtemps chercher son sujet, et nous ne sommes pas bien sûr de l’avoir deviné. On y voit un personnage séparant avec les mains, comme en deux flots, son immense barbe, et montrant des cuisses tuméfiées et difformes que terminent des jambes grêles comme des pieds de satyre. C’est un Moïse, probablement ; car, d’après les traditions orientales, Moïse, attaqué de la lèpre, de l’éléphantiasis ou de quelque autre infirmité biblique de ce genre, fut guéri d’une façon miraculeuse. La symbolique du moyen âge dut trouver dans ce fait quelque allégorie pieuse capable de justifier ce bizarre motif de bas-relief.

Une des arcades est entourée d’un cordon de têtes ou plutôt de masques qui semblent, pour la fantaisie extravagante et la laideur monstrueuse, être copiés sur des idoles mexicaines ou des manitous de la Papouasie. Ce sont des faces décharnées ou bouffies, des hures, des groins que retroussent des crocs, des yeux caves ou en saillie, des bouches à triples rangs de dents, des singes, des diables, des chimères, d’atroces cari-