Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/266

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trois chevaux décousus, dont les entrailles brimbalaient sous le ventre comme des besaces, leur inspirassent une répulsion mal surmontée, ils finirent par s’intéresser à la course et à se passionner pour les toreros.

Nous ne décrirons pas une à une les péripéties de la course. Malgré leur inépuisable variété, elles sont toujours les mêmes. La course se divise en trois actes, séparés chacun par une fanfare. On pourrait les intituler la Lance, les Banderilles, l’Épée. Après avoir reçu quelques coups de vara et tué quelques chevaux, le taureau, dont la furie décroît visiblement, est ravivé par les banderillas que lui implantent dans le garrot les légers chulos. Quand sa rage est suffisamment excitée, l’espada se présente, se piète devant lui, l’agace et le trompe par des jeux de muleta (morceau d’étoffe rouge soutenu d’un court bâton), et, au moment où la bête penche le mufle, lui enfonce le glaive entre les deux épaules, à l’endroit qu’on appelle la croix. Voilà le programme de la pièce, suivi avec une exactitude à laquelle nous n’avons jamais vu faire une dérogation. Rien ne l’interrompt, pas même une mort d’homme, cas infiniment rare, et qui pourtant s’était produit, nous dit-on, à la première des trois courses