Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/28

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dans le ciel jusqu’aux narines des dieux. La nuit tombait ; nous distinguions vaguement, à travers l’ombre, des arcs de triomphe, des mâts pavoisés, des guirlandes de feuillage, tout en errant au hasard, à la quête d’un gîte. Les auberges regorgeaient de monde, et les hôteliers superbes nous renvoyaient d’un air dédaigneux. Déjà, dans l’écurie, les quadrupèdes avaient dû céder leur place et leur botte de paille aux bipèdes. En Espagne, en Grèce ou en Afrique, une nuit à la belle étoile ne nous eût pas effrayé ; mais, comme dit Molière, le ciel s’était déguisé ce soir-là en Scaramouche, et pas une étoile ne montrait le bout de son nez. La nuit était si noire, que nous allions à tâtons, à la manière des aveugles, dans des rues inconnues, éclairées de loin en loin par les lanternes des diligences qui passaient lourdement, écrasées de voyageurs, avec un bruit de ferraille.

À la fin, nous vîmes flamboyer les vitres d’une auberge plus hospitalière, pleine de bruit, de chocs de verres et de tintements d’assiettes. Là, on ne parut pas trouver trop ridicule notre désir de souper et de nous coucher. On nous servit des viandes froides, du jambon, du cidre, du vin et du café, et, notre réfection prise, on nous confia à une servante, munie d’un falot,