Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/284

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sait qu’il est superbe. Les Raphaël, les Titien, les Rubens, tous les grands maîtres d’Italie et de Flandre y abondent ; mais c’est là un mérite qu’il partage avec les musées de Florence, de Paris, de Dresde et des autres galeries nationales ou princières. Sa gloire particulière, sa richesse originale, c’est de contenir Velasquez tout entier. Qui n’a pas vu Madrid ne connaît pas ce peintre étonnant, cet artiste d’une individualité absolue ne relevant que de la nature et dont le réalisme a su se conserver intact au milieu d’une cour formaliste. L’Espagne, jalouse, a précieusement gardé tous les tableaux de son maître favori, et c’est à peine si les galeries les plus riches en possèdent quelque esquisse ou quelque répétition d’une authenticité toujours un peu douteuse. Velasquez seul vaut le voyage, et, maintenant que le chemin de fer rend facile de franchir les Pyrénées, nos jeunes peintres feront bien de l’aller étudier.

Sur les marches ou musée était installée une jeune fille qui vendait des verres d’eau. Boire de l’eau est un plaisir dont on ne se rend bien compte qu’en Espagne. La terre catholique par excellence semble restée musulmane sur ce point.

Avec quelle joie nous retrouvâmes-nous dans cette galerie où éclate le génie espagnol, si profondément