Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/30

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douze cents francs, et dont, tout étonné de la somme, il exigea le détail, où figurait pour cinq louis « un fin caneton de Rouen, nourri de fine fleur de farine. » — Notre déjeuner nous coûta moins cher ; il est vrai qu’il n’y avait pas de canard sur notre carte.

L’église de Carentan est très-curieuse à voir ; mais, à notre grand regret, le temps nous manqua pour la visiter, et il fallut, en nous levant de table, nous diriger vers la station. Les rues, pour la solennité, étaient sablées de tangue, cet engrais que la mer dépose dans des anses où l’agriculture le recueille. La substitution de la tangue au sable indiquait le voisinage de l’Océan, dont le vent salé et frais se faisait déjà sentir.

Le train arriva, mais si chargé, si encombré, que nous dûmes nous estimer heureux d’être placé, par faveur, dans un wagon de bagages où nous nous assîmes au milieu d’un chaos de malles se présentant par les angles les plus hostiles ; mais, quand on a, comme nous, couru la poste dans une galère espagnole qui n’avait pour fond qu’un filet de sparterie, on se trouve bien partout.

Jusqu’à présent, nous n’avons rien dit du paysage qui s’étale et se replie de chaque côté de la voie comme une carte d’échantillons : ce sont des terrains faiblement