Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/301

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ville et de quelque lourd mélodrame, ou que, sur le trottoir d’une belle rue régulière à faire bâiller, nous attendions le passage d’un omnibus toujours complet, sous une pluie une, menue, persistante, tombant d’un ciel gris comme des fils d’araignée ou des aiguilles anglaises. Oh ! comme alors, aux rayons d’un soleil intense, se découpait sur un fond de ciel bleu, avec ses tons d’orange, la magnifique porte moresque à l’arc évidé en cœur, si bien nommée la puerta del Sol, qu’on rencontre après avoir passé le pont d’Alcantara et sous laquelle on passe pour grimper à la place Zocodover ! comme se rebâtissaient par les magies du souvenir, ce rapide architecte, les vieilles murailles, les vieux palais, les vieilles églises ! car, Dieu merci, rien n’est moderne à Tolède ; comme tout se remettait à sa place, avec le relief, l’accent et la couleur d’autrefois ! comme nous gravissions, en idée, ces rues étroites, aux coudes imprévus, aux changements brusques de niveau, pareilles à des lits de torrent et bordées de maisons mystérieuses rappelant les maisons d’Alger ! Eh bien, ce que nos souhaits incessants et nos combinaisons toujours dérangées n’avaient pu faire, le hasard d’une inauguration l’a accompli avec cette facilité des choses soudaines où la volonté n’a point part. Nous avons revu