Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/343

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Il avait les mouvements prestes et faciles, comme un arracheur de dents ou un avaleur de sabres.

Son magasin était contenu dans une petite voiture qui lui servait en même temps de tribune.

De ce magasin, il tirait des vêtements de toute sorte : pantalons, gilets, habits, casquettes, cravates, — enfin, tout ce qui sert à décorer le Français et à le mettre dans son beau jour.

— Regardez cet habit noir, criait-il à pleins poumons : il est fort propre, presque tout neuf ; il a été porté deux ou trois ans, tout au plus. — Un habit acheté au Palais-Royal n’aurait pas meilleure tournure. Voyez comme il va bien ! (l’orateur passe l’habit, où il entre en se rapetissant comme un pantin à coulisse, car il est beaucoup trop étroit pour lui.) Comme il dessine la taille ! Quel chic ça vous donne ! Un jeune homme qui se promènerait sur le boulevard une heure par jour avec cet habit-là sur le dos, épouserait une riche héritière, ou serait enlevé par une Anglaise.

» Allons, à quarante sous l’habit !… Trente sous !

» Vous ne me croirez pas si vous voulez ; eh bien, ce frac a coûté, tout neuf, quatre francs dix sous ! — Non ! pour un tigre à cinq griffes (cinq francs), je ne voudrais pas en établir un pareil ; et, cependant, je