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à tristan et iseult

les entraves de la routine pour pouvoir s’envoler librement dans des régions inexplorées.

L’artiste, sûr de lui maintenant, abandonne définitivement les sujets historiques dont la réalité trop brutale cadre mal avec l’idéalité de la musique ; la légende, dans sa naïve poésie, est bien mieux ce qu’il convient ; désormais la voie est trouvée, il ne s’en écartera plus, il élargira seulement de plus en plus sa pensée. Du chant populaire fredonné par les fileuses de Norwège, en faisant tourner leur rouet, il s’élèvera jusqu’aux farouches grandeurs des théogonies du Nord.

C’est dans un voyage en mer, pendant une tempête qui le jeta vers les bords de la Norwège, que Richard Wagner se fit redire par les marins eux-mêmes l’histoire effrayante de ce Hollandais-volant, Ashaverus de la mer, qui blasphéma, défia l’orage avec l’aide de Satan et fut condamné à errer sans cesse, lui et son fantastique navire. Mais la mystique Jeune fille, pâlie par le reflet des neiges, qui languit d’amour pour le damné emporté sans cesse à