Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/107

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dit-on, qui peuvent produire des illusions et des apparences, créer dans le cerveau de ceux qu’ils obsèdent des spectacles effrayants ou splendides, sont incapables d’agir sur la réalité matérielle et de déplacer un fétu. »

Il se souvint de l’impulsion qui lui avait fait écrire le billet à Mme  d’Ymbercourt, et il pensa que, par un influx nerveux, Spirite parviendrait peut-être à lui dicter intérieurement ce qu’elle voulait lui dire. Il n’y avait qu’à laisser aller sa main et faire taire autant que possible ses propres idées pour ne pas les mêler à celles de l’esprit. Se recueillant et s’isolant du monde extérieur, Guy imposa silence au tumulte de sa cervelle, surexcitée, haussa un peu la mèche de sa lampe qui baissait, prit une plume chargée d’encre, posa la main sur un papier, et, le cœur palpitant d’une espérance craintive, attendit.

Au bout de quelques minutes Guy éprouva un effet singulier, il lui sembla que le sentiment de sa personnalité le quittait, que ses souvenirs individuels s’effaçaient comme ceux d’un rêve confus, et que ses idées s’en allaient hors de vue, comme ces oiseaux qui se perdent dans le ciel. Quoique son corps fût toujours près de la table, gardant la même attitude, Guy intérieurement était absent, évanoui, disparu. Une autre âme, ou du moins une autre pensée se substituait à la sienne et commandait à ces serviteurs qui, pour