Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/140

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bassade, des secrétaires de légation, des auditeurs au conseil d’État en expectative, de futurs maîtres des requêtes encore imberbes, des officiers à leur première campagne, des membres du Moutard-Club d’un sérieux diplomatique, des sportsmen en herbe rêvant une écurie, des élégants dont les favoris en nageoires n’étaient guère qu’un duvet, des fils de famille ayant l’aplomb précoce d’un grand nom et d’une grande fortune. Il se mêlait même à cette jeunesse quelques personnages graves, chamarrés de décorations, dont le crâne poli luisait comme de l’ivoire à la lumière des lustres ou se dissimulait sous une perruque trop noire ou trop blonde. En passant, ils adressaient quelques mots de politesse aux douairières contemporaines de leur jeune temps, puis, se détournant, ils examinaient en connaisseurs émérites et désintéressés le sérail féminin étalé sous leurs yeux chaussés de binocles. Les premiers sons de l’orchestre les fit refluer aussi vite que leurs pieds goutteux le leur permettaient vers les salons plus calmes, où, sur des tables éclairées par des chandeliers coiffés d’abat-jour verts, se jouaient la bouillotte ou l’écarté.

Comme vous le pensez bien, je ne manquais pas d’invitations. Un jeune Hongrois, en costume de magnat tout soutaché, tout brodé, tout constellé de boutons en pierreries, s’inclina gracieusement devant moi et me requit d’une mazourka. Il avait