Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ne retentit pas plus douloureusement sur le cœur. Je me sentis pâlir, et un froid glacial m’enveloppa. Je venais de faire mon premier pas hors de la vie terrestre, désormais close pour moi. Je pénétrais dans cette région froide où les passions s’éteignent, où les souvenirs s’effacent, où les rumeurs du siècle n’arrivent plus. Là rien n’existe que la pensée de Dieu. Elle suffit à remplir le vide effrayant et le silence qui règne en ces lieux, aussi profond que celui de la tombe. J’en puis parler puisque je suis morte.

Ma piété, quoique tendre et fervente, n’était pas poussée jusqu’à l’exaltation mystique. C’était un motif humain plutôt qu’une vocation impérieuse qui m’avait fait chercher la paix à l’ombre du cloître. J’étais une naufragée de l’âme, brisée sur un écueil inconnu, et mon drame, invisible pour tous, avait eu son dénouement tragique. Au commencement, j’éprouvai donc ce que dans la vie dévote on appelle des aridités, des fatigues, des retours vers le monde, de vagues désespérances, dernières tentations de l’esprit du siècle voulant reprendre sa proie ; mais bientôt ce tumulte s’apaisa. L’habitude des prières et des pratiques religieuses, la régularité des offices et la monotonie d’une règle calculée pour dompter les rébellions de l’âme et du corps tournèrent vers le ciel des pensées qui se souvenaient encore trop de la terre. Votre image vivait toujours dans mon