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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/225

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scintillement diamanté de l’écume comme de jeunes dieux à la proue d’une birème antique. Sur la mer, avec un perpétuel fourmillement lumineux, s’étalait une large traînée de paillettes d’argent, reflet de l’astre émergé de l’horizon et montant lentement dans le ciel. Parfois un dauphin, descendant peut-être de celui qui portait Arion, traversait de son dos noir le sillage étincelant et rentrait brusquement dans l’ombre, ou bien dans le lointain, comme un point rouge vacillant, se révélait le fanal de quelque barque. De temps à autre, comme une découpure violette, la côte d’un îlot, bientôt dépassée, apparaissait.

« C’est là, sans doute, disait Spirite, un merveilleux spectacle, un des plus beaux, sinon le plus beau, qu’un œil humain puisse contempler ; mais qu’est-ce à côté des prodigieuses perspectives du monde que je quitte pour descendre vers vous, et où bientôt nous volerons l’un près de l’autre « comme des colombes appelées par le même désir ? » Cette mer qui vous semble si grande, n’est qu’une goutte dans la coupe de l’infini, et cet astre pâle qui l’éclaire, imperceptible globule d’argent, se perd dans les effroyables immensités, dernier grain de la poussière sidérale. Oh ! que je l’eusse admiré près de vous, ce spectacle, lorsque j’habitais encore la terre et que je me nommais Lavinia ! Mais ne croyez pas que