Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devait être une âme ayant passé pas les conditions de la vie terrestre, et qu’une attraction, dont il apprendrait sans doute les motifs plus tard, ramenait vers son ancienne sphère.

La tache lumineuse du miroir commençait à se dessiner d’une façon plus distincte et à se teindre de couleurs légères, immatérielles pour ainsi dire, et qui auraient fait paraître terreux les tons de la plus fraîche palette. C’était plutôt l’idée d’une couleur que la couleur elle-même, une vapeur traversée de lumière et si délicatement nuancée que tous les mots humains ne sauraient la rendre. Guy regardait toujours, en proie à l’émotion la plus anxieusement nerveuse. L’image se condensait de plus en plus sans atteindre pourtant la précision grossière de la réalité, et Guy de Malivert put enfin voir, délimitée par la bordure de la glace comme un portrait par son cadre, une tête de jeune femme, ou plutôt de jeune fille, d’une beauté dont la beauté mortelle n’est que l’ombre.

Une pâleur rosée légèrement colorait cette tête où les ombres et les lumières étaient à peine sensibles, et qui n’avait pas besoin, comme les figures terrestres, de ce contraste pour se modeler, n’étant pas soumise au jour qui nous éclaire. Ses cheveux, d’une teinte d’auréole, estompaient comme une fumée d’or le contour de son front. Dans ses yeux à demi baissés nageaient des prunelles d’un bleu nocturne, d’une douceur infinie,