Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/90

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chauds manchons de martre zibeline. Sur les sièges à grosses passementeries, des cochers de bonne maison, majestueusement assis, les épaules garanties par une palatine de renard, regardaient, d’un œil non moins dédaigneux que celui de leurs maîtresses, passer les petites dames conduisant elles-mêmes des poneys attelés à quelque véhicule extravagant et prétentieux. Il y avait aussi beaucoup de voitures fermées ; car, à Paris, l’idée d’aller en voiture découverte par cinq ou six degrés de froid semble par trop arctique et boréale. Un certain nombre de traîneaux se faisaient remarquer parmi toute cette carrosserie à roues, qui semblait n’avoir pas prévu la neige ; mais le traîneau de Malivert l’emportait sur tous les autres. Des seigneurs russes qui flânaient par là, contents comme des rennes dans la neige, daignèrent approuver l’élégante courbure de la douga et la façon correcte dont les fines courroies du harnais y étaient attachées.

Il était à peu près trois heures ; une légère brume ouatait le bord du ciel, et sur le fond gris se détachaient les délicates nervures des arbres dépouillés, qui ressemblaient, avec leurs minces rameaux, à ces feuilles dont on a enlevé la pulpe pour n’en garder que les fibrilles. Un soleil sans rayons, pareil à un large cachet de cire rouge, descendait dans cette vapeur. Le lac était couvert de patineurs. Trois ou quatre jours de gelée