C’est un tort, dons ce siècle affairé et distrait, de
mourir jeune si l’on veut laisser de soi une mémoire.
Il ne suffit pas de dire son mot et de s’en aller. Ce
mot, il faut le redire tous les jours, sous toutes les
formes, à tous les échos, pendant de longues années,
d’une voix infatigable, et peut-être alors la foule
parvient-elle à le retenir. Adrien Guignet n’a pas assez
vécu pour apprendre son nom au public, quoiqu’il
soit connu de tous les délicats. Il en est de
même de Théodore Chassériau, mort, comme Guignet,
à trente-sept ans, et dont l’art regrette amèrement
la perte presque ignorée. Deux grands talents
ont disparu sans que leur époque en ait eu conscience ;
mais la lumière se posera un jour sur ces
têtes restées injustement dans la pénombre et leur
donnera leur véritable valeur.