Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/112

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de grandes bottes, allaient et venaient, s’occupant de chaque détail, revisant le filet, équilibrant les sacs, rangeant les paquets de dépêches, suspendant les cages de pigeons, accrochant aux cordes de la nacelle les exemplaires de journaux qui devaient donner des nouvelles de Paris à la France, notre esprit, attentif d’abord à ce mouvement plein d’intérêt, s’en laissait détourner peu à peu par l’incomparable magnificence du spectacle déployé devant nous, et malgré tout, malgré les Prussiens, malgré le siége, éprouvait cette sensation de bien-être intime et de joie sereine que procure, même aux moments les plus tristes, la contemplation du beau.

Le ciel était d’une pureté incomparable, d’un bleu léger, transparent, pénétré de lumière, où flottait comme une plume enlevée à l’aile d’une colombe, un petit nuage blanc destiné à faire valoir ce fond d’azur attendri encore par un reflet de rose auroral. Ce n’est qu’à l’Acropole d’Athènes, derrière le Parthénon au marbre doré, que le ciel nous est apparu aussi suave, aussi diaphane.

Au delà des grilles, sur la place de la Concorde, l’obélisque de Louqsor, frais et tendre de ton, rappelant la couleur de chair par la teinte