Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/127

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d’un soufflet, en rendant la clarté plus ou moins vive, les efface ou les accuse. Mais il n’y a derrière ce carreau, comme on l’aurait aisément supposé aux temps romantiques, ni Ruggieri préparant des poisons, ni alchimiste cherchant la pierre philosophale dans le fond de ses cornues. Ce qui produit cette lueur inquiétante est tout simplement une forge où l’on répare les fusils des mobiles et des gardes nationaux.

Nous traversons le pont des Saints-Pères, houspillé par les gamineries de la bise qui tâchait de jeter notre chapeau a la rivière, excellente farce à la Gavroche qui nous eût semblé de mauvais goût en ce moment. On devinait au loin, comme dans les ténébreuses eaux-fortes de Piranèse, des masses d’architectures opaques et des lignes de quais tracées par des points brillants semblables à ces piqûres de cartons noirs qu’on présente à la lumière ; mais les perles de feu étaient bien largement égrenées et ne formaient plus ce cordon étincelant, illumination habituelle de Paris.

L’impression était triste, solennelle et grande. A travers les larges baies que gardent les statues colossales de la Paix et de la Guerre, la place du Carrousel apparaissait miroitée d’eau, glacée de