Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/165

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moi la liberté. » Aussi résolûmes-nous d’aller mettre notre carte chez les anciens hôtes du désert.

On ne parlait dans la ville, poussée par la famine aux caprices et aux dépravations de goût, que de mets bizarres : côtelettes de tigre, jambon d’ours, bosses de bison, pieds d’éléphant à la poulette, filets de lama, entre-côtes de chameau, râbles de kanguroo, civets de singe, serpents boas à la tartare, marinades de crocodile, fricassées de phénicoptère, grues de Numidie à la chasseur, foies d’autruche truffés, chauds-froids de toucan et de kamichi, et autres cuisines zoologiques qui ne laissaient pas que de nous alarmer pour la population du Jardin des Plantes. Cependant il nous semblait étrange que cet établissement national se défit ainsi de ses pensionnaires. Ces suppléments exotiques au menu du siége venaient du Jardin d’acclimatation, dont les deux jeunes éléphants furent vendus à un prix énorme, ainsi que plusieurs bêtes, jadis objet de la curiosité publique : ce qui expliquait les excentricités culinaires rapportées dans les journaux.

Nous essayâmes d’abord d’entrer par la grande porte au bout du pont, mais elle était fermée à