Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/186

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trant sous leur angle étrange et bizarre, sans perdre le charme, comme cela est trop souvent arrivé aux peintres de l’école romantique. Nul mieux que lui ne comprenait l’exotique séduction des barbaries pittoresques et n’était plus profondément entré dans l’idéal de l’Orient.

On ne peut porter un jugement définitif sur un artiste arrêté dès ses premiers pas — des pas, il est vrai, pareils à ceux des dieux d’Homère qui atteignaient en quatre pas au bout du monde ; mais depuis son tableau pour le grand prix de Rome, Thétis apportant les armes à son fils Achille, d’une couleur déjà si fine et si rare, Regnault avait parcouru un chemin immense. Le portrait de la dame en rouge, se détachant d’un fond de rideau rouge, le portrait équestre du général Prim, le délicieux petit portrait de duchesse en rose, la Judith tuant Holopherne, la Salomé du dernier Salon, ont montré quel grand maître était déjà ce jeune homme encore élève à la villa Médici, et qui n’avait pas vingt-sept ans. Jamais originalité plus frappante et plus incontestable ne s’est révélée si soudainement au public. Toutes ces toiles, admirées, critiquées, ont soulevé devant elles la rumeur qu’excitent toujours les œu-