Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/189

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« Le justicier, car le nom de bourreau ne saurait convenir à cette noble et majestueuse figure, est un Maure très-basané, coiffé d’un fez rouge que dépasse le bord d’une calotte blanche, et n’ayant d’autre vêtement qu’une gandourah, ou longue robe d’un rose éteint, décoloré, rompu, d’un rose mort comme celui d’une feuille sèche, et d’une harmonie extraordinaire. La gandourah, ouverte par en haut, laisse voir une forte ossature de poitrine et de larges pectoraux qui indiquent une grande vigueur. D’un mouvement superbe, il passe lentement le damas de sa flittah sur le pan à demi relevé de sa robe, qu’un reflet éclaire en-dessous et teint d’une lueur orangée sur laquelle se dessine le bas de ses jambes brunes et nerveuses. Détournant un peu la tète, il jette de haut, sur le cadavre abattu, un regard indéfinissable, à la fois dédaigneux et mélancolique, d’une férocité douce et rêveuse, et empreint du fatalisme oriental : C’était écrit ! Nulle colère, nulle indignation.

« La rage impuissante, la haine furieuse se lisent, au contraire dans le regard que la tête coupée renvoie à la tête vivante. La bouche se tord convulsivement, les traits se contractent d’une