Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/216

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aspects inattendus que donnaient les travaux de la défense aux abords des bastions et à la zone militaire qu’il avait tout le loisir d’observer pendant ses nombreuses gardes. Beaucoup d’autres noms sont restés inconnus que signalera la première exposition.

La pensée de l’artiste fonctionne toujours, même à son insu ; au milieu de la bataille, il remarque un effet qui échappe à tout autre. Par sa perpétuelle communion avec la nature, il s’est développé en lui une singulière acuïté de perception qui s’exerce sans qu’il le veuille. Dans la rapidité de l’action la plus vertigineuse, il ne perd jamais de vue la forme et la couleur. Sa mémoire, habituée à saisir les lignes, prend en courant le reflet ineffaçable des choses. Cela ne l’empêche pas d’être brave, exact à son devoir, bon camarade, plein de cœur. Si un compagnon d’armes tombe blessé, il l’ira enlever sous les balles et le mettre à l’abri derrière un mur. Mais l’attitude du corps affaissé, la pâleur du visage, le crépi de la muraille effritée par les boulets où s’appuie la tête, le ton du sang qui coule sur l’herbe ou sur la neige, les rapports du terrain et du ciel en ce moment-là seront réflé-