Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

seule restée debout. Regardez par une porte entrebâillée, entre les planches qui bouchent les fenêtres, vous apercevrez un gouffre d’effondrement du grenier à la cave, et la lumière jouant à travers les brèches des murailles.

On ne peut, sans l’avoir vu, se faire l’idée d’un pareil désastre, et l’on devrait garder Saint-Cloud comme une Pompéi de la destruction. On y viendrait voir ce que c’est que la guerre. La ville n’est désormais plus habitable, et il nous semble impossible de réparer ces décombres qui s’écrouleront au moindre choc. Il faudrait raser la ville et la reconstruire de fond en comble sur de nouveaux frais, après l’avoir déblayée.

Les rues montant vers l’église sont barricadées de pierres, de gravats, de poutres, de persiennes, de grilles arrachées, où l’on commence à pratiquer de petits chemins, mais qu’il faut gravir en beaucoup d’endroits. Des maisons éventrées ont vidé leurs entrailles sur la voie publique et semblent faire effort pour rester debout, comme des soldats courageux qui ont reçu le coup mortel et ne veulent pas tomber ; d’autres, aux embrasures noircies, ne présentent qu’une lézarde comme la maison Usher, dans le conte sinistre