Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/236

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dans cette préservation au moins singulière. Une telle croyance n’a rien qui répugne à notre philosophie.

Comme des fourmis à leur fourmilière renversée par un pied brutal, quelques habitants commençaient à revenir à leurs maisons. Ils se glissaient à travers les amoncellements de ruines, cherchant la place de leurs anciens gîtes, en déblayaient le seuil et poussaient avec effort les portes sur lesquelles les Prussiens ont écrit, avec un charbon pris au brasier de Saint-Cloud : « Défense d’entrer. » Des ménagères puisaient de l’eau à une borne-fontaine à moitié enfouie sous un monceau de gravats, et dont le trop plein s’extravasait parmi les pierres. Ce faible essai de vie, dans cette ville morte, avait quelque chose d’attendrissant. Une petite plante verte d’espérance germait déjà entre ces décombres entassés par les barbares.

Il semble, à l’aspect de cette dévastation, qu’elle a été froidement et méthodiquement exécutée. Des incendiaires enrégimentés ont dû mettre le feu aux maisons, l’une après l’autre, avec du pétrole et des torches. Quelques-unes, quatre ou cinq tout au plus, sont conservées, et,