Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/246

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second Faust, ressemblaient aux sorcières barbues et moustachues de Shakespeare, formant une variété hideuse d’Hermaphrodite faite avec les laideurs des deux sexes. Chose étrange, parmi ces monstres se trouvait une charmante fillette de treize à quatorze ans, à physionomie candide et virginale, blonde, vêtue avec recherche et propreté d’un veston bleu clair à soutaches noires, et d’une jupe blanche, courte comme celle des très-jeunes filles, laissant voir des bas bien tirés et des bottines élégantes quoique poudreuses. Quel hasard avait mêlé ce petit ange a ces démons, cette pure fleur à ces mandragores ? Nous n’avons pu le comprendre. Personne ne le savait, et notre point d’interrogation est resté sans réponse. Un peu en arrière, sur un chariot ou une prolonge, était couché sur le dos, avec une roideur cadavérique, un vieillard à grande barbe blanche, dont le crâne nu luisait au soleil comme un casque. Quoique immobile et dessinant les lignes anguleuses d’une statue allongée sur un tombeau, il n’était pas mort cependant, et dans son œil, qui palpitait sous l’aveuglante lumière, vivait un regard noir de haine irréconciliable et de rage impuissante. Rien de plus effrayant que ce Nestor