Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/251

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Maroc à l’hôtel des Réservoirs, sur le Boulevard Italien en pente où se réunit le « tout Paris » de Versailles, écoutant les nouvelles, faisant des conjectures sur les événements, il s’ouvrit tout à coup dans le cabinet de nos souvenirs un tiroir fermé depuis longtemps, et il en roula, pareils aux perles d’un collier qui se défile, ces six mots : — Sur trois marches de marbre rose, — C’est, comme on sait, le titre d’une pièce de vers d’Alfred de Musset. Ils s’emparèrent aussitôt de nous et se mirent voltiger sur nos lèvres comme un refrain monotone, nous ennuyant à la fois et nous charmant ; mais il nous était impossible de les chasser ou d’en distraire notre esprit.

On nous disait : La barricade du pont de Neuilly a été enlevée par nos troupes, et nous répondions intérieurement : — Sur trois marches de marbre rose. — La nuit même, pendant notre sommeil, des rêves vagues nous chuchotaient cette phrase d’un air moqueur, comme pour nous empêcher de l’oublier en dormant. Au réveil, les six mois se dessinaient sur le mur dans un rayon d’aurore, et nous recommencions notre inéluctable litanie. Pour tout poëte, par son étrangeté, son harmonie et sa couleur, ce titre contient un