Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/321

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tion d’airain posé au bout de la phrase sonore du premier empire. L’œil n’accepte pas volontiers ces métamorphoses d’aspect et, sur notre rétine, comme sur une plaque de daguerréotype mal essuyée, se dessinait toujours la noire silhouette absente.

Seul, le piédestal avec ses aigles éployés aux quatre angles, ses bas-reliefs d’armures, de casques, d’uniformes et d’emblèmes militaires, sa porte à grillage de bronze, semblable à celle d’un caveau, était resté debout au centre de la place. On eût dit à le voir une tombe de héros d’un style sévère faite de trophées conquis, sur laquelle le tore de la colonne arrachée figurait une immense couronne funéraire déposée par le deuil d’une armée.

Déjà la statue du César précipitée de si haut avait disparu, on l’avait relevée et mise en lieu sûr ; la tête s’était séparée du tronc dans la chute, mais sans rouler bien loin, et le colosse d’un vert sombre dont on pouvait mesurer la grandeur ressemblait ainsi au cadavre d’un Titan décapité. Près de là, gisait comme un énorme bouclier la calotte du lanternon qui terminait la colonne et sur le sommet duquel posaient les pieds de la sta-