Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/364

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connue un instant, la machine du monde se détraquerait et s’effondrerait au néant.

Il est aussi difficile de fonder une capitale que de la défaire. La volonté n’y peut rien, il y faut la lente élaboration des siècles, un concours de circonstances qu’on ne peut provoquer mais qu’on subit, des conditions de climat et de topographie, une facilité de cristallisation autour d’un noyau primitif, un charme qui attire et retienne, un rayonnement dont les effluves sont à la fois des chemins ramenant de la circonférence au centre. Une capitale, c’est la réunion de l’intelligence, de l’activité, du pouvoir, de la richesse, du luxe, du plaisir, accumulés dans le milieu le plus favorable, une serre chaude où toute idée mûrit vite et se sert à l’état de primeur, un bazar où affluent tous les produits du monde et qui exporte toujours plus qu’il ne reçoit, un foyer flambant nuit et jour, et dont la réverbération éclaire au loin, un musée toujours ouvert pour l’exposition et l’étude des chefs-d’œuvre de l’art, une bibliothèque où il ne manque aucun livre, fût-il introuvable, ce qui permet de consulter l’esprit humain à toutes ses pages, un théâtre aux représentations jamais interrompues, une salle de bal, un salon