Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/375

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fabriquer des émeutes, de casser des gouvernements et d’en jeter les morceaux à tous les diables. Hélas ! les gouvernements qui se cassent ainsi sont déjà fêlés, et fuir la capitale n’est peut-être pas un moyen de sécurité à toute épreuve. La Révolution, l’autre, la grande, comme on l’appelle dans l’argot du café de Madrid, est bien allée chercher à Versailles le boulanger, la boulangère et le petit mitron, pour les coiffer d’un bonnet rouge et leur couper la tête ensuite ; ce n’est pas la faute de Paris. Il y a sous toutes les grandes villes des fosses aux lions, des cavernes fermées d’épais barreaux où l’on parque les bêtes fauves, les bêtes puantes, les bêtes venimeuses, toutes les perversités réfractaires que la civilisation n’a pu apprivoiser, ceux qui aiment le sang, ceux que l’incendie amuse comme un feu d’artifice, ceux que le vol délecte, ceux pour qui l’attentat à la pudeur représente l’amour, tous les monstres du cœur, tous les difformes de l’âme ; population immonde, inconnue au jour, et qui grouille sinistrement dans les profondeurs des ténèbres souterraines. Un jour il advient ceci, que le belluaire distrait oublie ses clefs aux portes de la ménagerie, et les animaux féroces