Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/71

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fois ne partaient pas des forts, se faisaient entendre à une distance très-rapprochée. Le convoi ralentissant sa marche s’engageait sur le splendide viaduc du Point-du-Jour, qui relie les deux rives de la Seine.

Du haut de cet observatoire, un merveilleux panorama se déroulait devant nous. D’un côté, Paris avec ses dômes, ses tours, sans clochers lointains, ayant pour premier plan l’eau du fleuve, glacée de reflets de nacre ; de l’autre, les collines mollement onduleuses de Meudon, de Bellevue et de Sèvres, veloutées de verdures bleuâtres, charmants promenoirs, fréquentés jadis des amoureux, qui avaient inspiré à Victor Hugo ce vers délicieux :

Et quand je dis Meudon, suppose Tivoli !


maintenant réceptacles des Prussiens, cachés sous leurs ombrages comme des bêtes fauves. Là sont nos ennemis, invisibles le jour et rôdant la nuit à l’heure où sortent les animaux féroces. Aucune fumée ne trahit leur présence, rien ne bouge, nulle baïonnette ne luit. La solitude semble complète, et il faut un raisonnement pour se convaincre que Paris est bloqué. Calme trompeur !