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Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/315

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père, moins bouillant que le fils, demande un répit pour aller à la ville et tâcher de s’y procurer de l’argent. François, qui est un brave cœur, ôte son habit, ceint le tablier et se met à l’établi, où il rabote et scie de grand courage pour terminer à temps le travail qui peut éviter la prison à son père.

Un coup d’œil jeté par Durfort sur la pauvre maison de Martin lui fait comprendre qu’il ne gagnerait pas grand chose à pousser les rigueurs jusqu’aux extrémités, et il laisse son débiteur aller tenter fortune à la ville, rassuré d’ailleurs par l’activité avec laquelle François fait filer les copeaux sous sa varlope.

Cependant le village s’éveille et s’anime ; la jolie Pâquerette, plus adroite que la Perrette de la fable, arrive portant sur sa tête un pot au lait, qu’elle ne laisse pas tomber même en songeant aux contredanses et aux valses que l’orchestre doit exécuter le soir sous la feuiilée. Grande est sa surprise en voyant François occupé ; elle s’avance avec une petite mine boudeuse et demande au jeune homme si son ouvrage sera bientôt terminé. François fait un signe de dénégation sans se déranger. — Pâquerette, contrariée, dépose son pot au lait et s’approche de l’établi. — J’espère que tu ne vas pas travailler toute la journée. — Si, répond François, toute la journée.—Oh le vilain laborieux ! fait Pâquerette qui, de même que toutes les femmes, ne comprend pas que l’on travaille lorsqu’elle a envie de se divertir : « Et tu ne danseras pas ? — Non. »

Ce non fait tomber les jolis bras de Pâquerette ; François lui paraît l’être le plus fantasque et le plus barbare du monde : refuser de danser un jour de fête, et avec elle encore, c’est un crime irrémissible. Puisqu’il travaille et ne veut pas danser, François ne l’aime plus. — Cela est sûr ! Cette logique toute féminine s’appuie dans l’esprit de la jeune fille sur une preuve irrécusable ! Tout préoccupé de sa menuiserie intempestive, François ne l’a pas même embrassée ;