Page:Gautier - Une nuit de Cléopatre.djvu/41

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gée et vaincue ; cette Égypte m’anéantit et m’écrase ; ce ciel, avec son azur implacable, est plus triste que la nuit profonde de l’Erèbe : jamais un nuage ! jamais une ombre, et toujours ce soleil rouge, sanglant, qui vous regarde comme l’œil d’un cyclope ! Tiens, Charmion, je donnerais une perle pour une goutte de pluie ! De la prunelle enflammée de ce ciel de bronze il n’est pas encore tombé une seule larme sur la désolation de cette terre ; c’est un grand couvercle de tombeau, un dôme de nécropole, un ciel mort et desséché comme les momies qu’il recouvre ; il pèse sur mes épaules comme un manteau trop lourd ; il me gêne et m’inquiète ; il me semble que je ne pourrais me lever toute droite sans m’y heurter le front ; et puis, ce pays est vraiment un pays effrayant ; tout y est sombre, énigmatique, incompréhensible ! L’imagination n’y produit que des chimères monstrueuses et des mouvements démesurés ; cette architecture et cet art me font peur ; ces colosses, que leurs jambes engagées dans la pierre condamnent à rester éternellement assis