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des cactus et des figuiers d’Inde ; mais je n’ai jamais rien vu de plus morne, de plus triste et de plus navrant que cette vieille entrant dans le gin-temple.

Elle avait un chapeau, la malheureuse ; mais quel chapeau ! Jamais âne savant n’en a porté entre ses oreilles velues un plus lamentable, plus éraillé, plus chiffonné, plus bossué, plus piteusement grotesque. La couleur depuis longtemps n’en était plus appréciable ; s’il avait été blanc ou noir, jaune ou violet, c’est ce que je ne saurais vous dire. À la voir ainsi coiffée, on eût dit qu’elle avait sur la tête une écope ou une pelle à charbon. Sur son pauvre vieux corps pendaient confusément des haillons que je ne saurais mieux comparer qu’aux guenilles accrochées au-dessus des noyés au porte-manteau de la Morgue ; seulement, ce qui était bien plus triste, le cadavre était debout. Quelle différence de ces lambeaux terribles aux bonnes guenilles espagnoles, rousses, dorées, picaresques, qu’un grand peintre peut reproduire, et qui font l’honneur