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des spectateurs les plus assidus du spectacle mécanique de M. Pierre, où l’on représentait des combats, des tempêtes, des naufrages et autres scènes analogues. Je connaissais le nom et la forme de tous les vaisseaux ; j’aurais pu faire le catalogue qui se trouve dans l’ode de Victor Hugo sur la bataille de Navarin. Tout le monde croyait que je me ferais marin, et mes parents, en cas de mauvaise conduite de ma part, se voyaient privés de la ressource de me faire embarquer en qualité de mousse, car ma joie eût été au comble. — Plus tard, j’ai vu la mer, et j’avoue que je l’ai trouvée trop ressemblante au spectacle de M. Pierre ; il me semble que les vaisseaux sont de carton, et glissent sur une rainure ; les vagues me font l’effet de calicot vert glacé d’argent, n’en déplaise à lord Byron et aux descriptions poétiques.

Le temps fraîchit, la lame devient courte, clapoteuse et dure ; le ciel est clair encore du côté de la France ; mais une tenture de brouillard ferme l’horizon du côté de l’Angleterre. L’eau est d’un gris verdâtre ; les white-horses (che-