Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tasque par boutades ? Je vous assure, Musidora, que je bois du vin et non de l’or fondu à mes repas ; ― je mange plus d’huîtres que de perles dissoutes dans du vinaigre ; — je couche dans un lit, quoiqu’il m’arrive plus souvent de coucher dans un hamac, et je marche en général sur mes pieds de derrière, à moins que je n’emprunte ceux de Tippoo, de Zerline ou d’Agandecca, ma jument favorite. ― Voilà ma façon de vivre. — J’aime mieux les vers que la prose, j’aime mieux la musique que les vers, et je ne préfère rien au monde à une peinture de Titien, si ce n’est une belle femme. ― Je n’ai pas d’autre opinion politique. ― Je ne hais que mes amis et me sentirais assez porté à la philanthropie si les hommes étaient des singes. Je croirais volontiers en Dieu, s’il ne ressemblait pas tant à un marguillier de paroisse, et je pense que les roses sont plus utiles que les choux. — Vous me connaissez maintenant comme si vous aviez dormi dix ans sur mon oreiller. À ceci se bornent tous les renseignements que je puis vous procurer sur moi, car je n’en sais pas davantage. »

Musidora ne put s’empêcher de rire de la profession de foi de Fortunio.

« Vraiment, dit-elle, vous êtes modeste en ne vous croyant pas singulier ; savez-vous donc, monsieur Fortunio, que vous êtes d’une excentricité parfaite ?