Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/136

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terie européenne et qui ne sait plus guère comment on se conduit avec les femmes. ― Si j’avais été assez présomptueux pour croire que vous désiriez ma présence, croyez que je serais accouru de toute la vitesse des jambes de Tippoo ; mais je n’aurais pas pensé qu’un extravagant comme moi, rendu maniaque par des voyages dans des régions étrangères, pût intéresser en rien votre curiosité. »

Nous voudrions bien rapporter la réponse de Musidora, mais nous n’avons jamais su ce qu’elle répondit. Il est certain cependant qu’elle ouvrit la bouche, en levant sur Fortunio ses beaux yeux noyés d’un éclat onctueux ; elle murmura quelque chose, mais nous avons eu beau prêter l’oreille, nous n’avons pu distinguer une seule syllabe. Le grincement du sable sous les roues, le piétinement des chevaux, ont couvert sans doute la voix presque inarticulée de Musidora. ― Nous le regrettons fort, car il eût été assez curieux de recueillir ces précieuses paroles.

« Musidora, reprit Fortunio d’un timbre de voix doux et sonore, l’on vous a sans doute fait bien des histoires singulières sur mon compte, mes amis ont beaucoup d’imagination ; que direz-vous lorsque vous verrez que, loin d’être un héros de roman, un homme étrange et fatal, je ne suis tout bonnement qu’un honnête garçon, assez bon diable quoique capricieux et fan-