Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/91

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gardât son corps de la séduction des sens, pour n’avoir pas été allumé par des agaceries qui eussent agité dans leur tombeau la cendre de Nestor et de Priam, et fait fondre les neiges d’Hippolyte lui-même.

« Ah ! dit Musidora avec un soupir, ― il me méprise, il me regarde comme une impure ; il ne veut pas de moi. » Et Musidora jeta dans sa vie passée un regard lent et sombre. ― Les fils d’or qui striaient ses prunelles vertes parurent se tordre comme des serpents ; ses sourcils veloutés se rapprochèrent comme pour une lutte ; elle gonfla ses narines avec un mouvement terrible, et mordit avec ses petites dents sa lèvre inférieure.

« Que sais-je, moi, ce qu’ils auront été lui débiter sur mon compte ? ― George, cet animal, cet ivrogne, qui n’est bon qu’à faire des bouteilles vides avec des bouteilles pleines, triste talent ! n’aura pas manqué de lui dire avec un ricanement insupportable : « Ha ! ha ! hi ! hi ! la Musidora, une délicieuse, une incomparable fille, c’est la perle des soupers, l’œil de toutes les fêtes, le bouquet de tous les bals ; elle est très à la mode, ma parole d’honneur, tu feras bien de la prendre. Il est de bon air de la montrer à l’Opéra ou aux courses. Moi qui te parle, je l’ai eue trois mois, un jeune homme de bon ton se doit cela. Musidora est une puissance dans son genre, elle fait au-