Page:Gauvreau - Au bord du Saint-Laurent, 1923.djvu/16

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compagnon de sa solitude, qui manifestait sa joie en voyant arriver les sauveurs. Ils l’enveloppèrent dans des couvertes et des peaux de buffles et le ramenèrent au manoir du seigneur Lepage les bons soins et la chaleur le ramenèrent un peu.

Mon heure est venue, dit-il, et Dieu a voulu que je profite du passage de son missionnaire ici pour régler mes comptes. Le père Ambroise, celui qui, trente-neuf ans auparavant avait assisté au contrat de donation, chargé d’années et de mérites, était de nouveau en mission à Rimouski. Il se rendit au manoir, confessa son ami, qui le soir même rendait son âme à Dieu, emportant dans la tombe son secret que personne n’a su.

Cette histoire si touchante et si simple, dans toute sa naïveté, a déjà servi de thème à une triste et décevante histoire d’amourette ; cependant elle est restée telle quelle, a toujours été transmise de famille en famille, aux endroits l’hermite a vécu et où il est mort. L’endroit où s’élevait l’humble cabane du solitaire, se voit encore sur l’île en face du village de Rimouski.

Je ne sache pas que l’on ait comblé le puits creusé de ses mains où il allait chercher l’eau dont il avait besoin.

Tout jeune écolier, lorsque l’hiver jetait son pont de glace vive entre l’île et le rivage, du côté de Rimouski, on allait par bandes joyeuses en pèlerinage au lieu où le saint hermite de l’île avait vécu pendant 39 ans. Et ce n’est pas sans émotion sincère que l’on songeait à ce jeune homme de vingt-et-un ans venant enfermer dans un coin obscur, sa jeunesse, ses rêves, ses aspirations et mourant sans soulager son cœur d’un secret qui lui pesait peut-être lourdement, et qu’il devait emporter dans la tombe.