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CHAPITRE IV

LE PÈRE HENRI NOUVEL

ÉPISODE DE 1663


« Qu’il est doux d’écouter des histoires,
« Des histoires du temps passé ; »

Alfred de Vigny.


Il y a plus de deux siècles, l’Église était encore à son berceau en Canada. Mais comme il n’y avait pas, sur notre sol libre, d’empereur romain pour la forcer à descendre dans de nouvelles catacombes, elle se développa avec une force dont on ne peut trouver le secret que dans la divinité de son établissement. Et quels obstacles alors se dressaient de partout comme des barrières infranchissables ? Le pauvre missionnaire voyait s’élever devant lui des difficultés énormes à soulever. Pas de communication, si ce n’est par la voie dangereuse de notre fleuve, incertitudes dans ses recherches à travers les forêts, poursuivant la conquête des âmes au risque même de sa propre vie, mille et un dangers à courir dans ces vastes solitudes, livré à toutes les intempéries des saisons, abandonné à ses propres forces et loin de tout secours : que le poète a eu raison de dire :


La clameur se déroule au fond des solitudes
Et le missionnaire écoute soucieux,
Le grand cri de la vie épandue sous les cieux !


Mais qu’importait à un missionnaire tous ces obstacles ? Ils devaient se fondre devant son zèle et son amour pour les âmes comme ces brouillards du matin que le soleil chasse devant lui en les fouettant pour ainsi dire de ses rayons. Le Missionnaire ne voyait qu’une chose : des âmes à sauver et non le froid, les privations, les misères, l’éloignement, la solitude, les tor-