Page:Gauvreau - Au bord du Saint-Laurent, 1923.djvu/38

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raient les premiers écrivains français de la génération actuelle, ceux qui n’ont pas dévié des saines traditions de la belle et large littérature française du dix-neuvième siècle.

La première des Trois Légendes attira mon attention d’une manière toute particulière. Traitant le sujet de l’Ilet au massacre du Bic, elle était de nature à exciter ma curiosité. Mais une autre considération, plus séduisante, m’attirait. Jusqu’ici j’avais cru de véritables légendes, ces récits historiques, merveilleux, horriblement tristes et désolants, que l’on se raconte en frissonnant les soirs d’automne et d’hiver au coin du feu ; mais voilà que mes yeux lisent, étonnés, les lignes qui suivent : « Le fond de la légende de l’îlet au massacre repose sur un fait de l’histoire qui constitue le premier événement important des annales aborigènes dont il soit fait mention dans nos chroniques et le seul, antérieur à la découverte du pays, auquel il soit assigné une date à peu près précise. »

Et M. Taché ajoute « que c’est au grand pilote de Saint-Malo que nous devons la mention de cet événement aujourd’hui passé dans le domaine légendaire. »

Voyons maintenant le passage sur lequel M. Taché s’appuie pour donner à son récit du massacre du Bic un fond historique. C’est au chapitre IX de la « Seconde navigation » de Jacques Cartier.

Voici : « Et ce fut par le dit Donnacona montré au dit capitaine les peaux de cinq têtes d’hommes estendues sur des bois, comme des peaux de parchemins ; et nous dit que c’étaient des Toudamens (Iroquois) de devers le Su qui leur menaient continuellement la guerre. Outre nous fut dit, qu’il y a deux ans passés que les dits Toudamens les vinrent assaillir jusque dedans le dit fleuve à une Isle qui est le travers du Saguenay où ils étaient à passer la nuit, tendans à aller à Honguedo (Gaspé) leur mener guerre avec environ deux cents personnes, tant hommes, femmes qu’enfants lesquels furent surpris en dormant dedans un fort qu’ils avaient fait, ou mirent les dits Toudamens le feu tout à l’entour et comme ils sortaient les tirèrent tous, réserve cinq qui échappèrent. De laquelle destrousse se plaignent encore fort, nous montrant qu’ils en auraient vengeance. »