Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/110

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et il se tint coi dans son taudis.

Ce fut un moment digne de remarque que celui où tout le monde put voir George à la porte de l’église, après la messe, alors qu’il reconduisait Monsieur et Mademoiselle Boildieu. Dans cinq années, livré aux travaux assez durs de la manœuvre, George était devenu un homme. Le teint hâlé par les feux d’un soleil tropical, il avait pris un air martial qui allait bien avec ses yeux bleus et ses cheveux blonds. Cet ensemble de grâce et de fierté, de douceur et d’urbanité, en faisait un jeune homme accompli, attirant tous les regards, et ce qui est mieux toutes les sympathies des gens de cœur. Tout plaisait en lui, jusqu’à son maintien.

George était heureux de se sentir au sein des joies de la famille. Capitaine au long cours, il avait désormais un rang marqué parmi ses compatriotes et ses co-paroissiens. Il pouvait maintenant envisager l’avenir avec confiance et espérer fonder une famille ; mais aussi quelle femme assez forte, assez énergique pour rester des mois au foyer, seule, attendant le retour du mari exposé sur la mer, à toutes les rigueurs des saisons, aux maladies contagieuses, en un mot à ces mille et un périls si fréquents sur l’Océan, cet abîme qui engloutit tant d’espoir sans jamais les rendre !

Alexandrine l’aimait de toute son âme. Elle se donnerait toute à lui, tant elle l’aimait, tant elle lui était attachée, mais comme elle souffrait.

Déjà George avait appris que Mélas aimait passionnément Alexandrine, et loin de s’en montrer jaloux, il fit tout en son pouvoir pour diminuer la triste passion de son malheureux ami. Il comprenait la douleur de Mélas, lui qui, au début de ses premières espérances, avait cru que Mélas l’emportait