Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/136

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bout, la figure contractée, les lèvres frémissantes, les mains en avant comme pour repousser une action horrible, offrait un spectacle désolant et unique. À ses dernières paroles, elle tomba quasi inanimée sur le berceau de son enfant et demeura dans une prostration complète.

Je n’y peux rien, dit le prêtre. La douleur a été trop intense pour une constitution aussi délicate ; elle a fait une victime. Je laisse le ciel agir. Pauvre George ! tu ne méritais pas un tel sort. Que tu vas souffrir, nouveau Zacharie !

Ce dévoué curé entrevoyait dans l’avenir les douleurs qui allaient briser l’âme de celui qu’il aimait depuis qu’il l’avait baptisé. Étouffant un soupir, il sortit et laissa sa place au père et à la mère d’Alexandrine à qui incombait la tâche de veiller autant que possible sur la pauvre femme, leur fille. Jusqu’au retour de George, ils allaient être secondés dignement par Hermine, la fille de chambre qui allait s’attacher à sa maîtresse, la suivre partout où elle irait, veiller sur elle avec une sollicitude sans égale.

Plusieurs mois se sont écoulés depuis que le village a été mis en émoi par l’enlèvement d’Armande et la folie de sa mère. On était certain que c’était un coup de lâche de la part de Mélas ; aussi sa mère ne put survivre à la douleur que lui causa ce dernier acte infâme de son fils. On eut à maudire le fils et à pleurer la mère, cette Monique qui avait tant pleuré et prié pour la conversion de son fils.

Il n’y avait pas de mieux sensible dans la santé d’Alexandrine. Il est vrai que le moral était plus malade que le physique. Le choc avait été si rude