Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/207

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compliqua la maladie, et ce n’est que difficilement qu’il put revenir sensiblement à la vie. Longtemps il fallut le soigner, et les sauvages le firent avec assiduité et complaisance. En apprenant que Fleur-du-mystère était disparue avec Laurent, Mélas eut un accès de délire affreux ; sa blessure s’ouvrit et il fallut de nouveaux soins pour le ramener à la vie. C’est alors qu’il sut se résigner. C’est là que la grâce l’attendait.

Je m’avoue vaincu, dit Mélas ; le bras de Dieu est visiblement appesanti sur moi. J’ai fait souffrir et j’ai souffert ; j’ai frappé et je suis frappé à mon tour, n’est ce pas l’action même ici bas de Celui qui met un frein à la fureur des flots et qui sait des méchants arrêter les complots ? Oh ! quand pourrais-je réparer tout le mal que j’ai fait ? Belles années de mon enfance, heures qui avez coulé si doucement, si riantes comme les ruisseaux dans les plaines, où êtes-vous ? Accourez pour me rendre plus amer le regret de mes torts. Qu’ai-je fait de cette somme d’énergie, de cette capacité de travail que Dieu avait mise dans mon âme ? Je l’ai mise à la disposition de la jalousie qui d’un coup d’aile a fustigé mes plus beaux jours. Suis-je plus heureux à cette heure ? Hélas ! j’ai traîné pendant plus de vingt ans le boulet du remords et aujourd’hui me voilà vieux, brisé, sans force, entre la vie qui me retient encore et la mort qui me réclame.

« Dieu fit du repentir la vertu des mortels. » Paroles consolantes pour les âmes dévoyées rentrant dans la vraie voie du bien. Mélas, qui avait vu la douleur sans frémir, lui qui avait senti les larmes