Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/224

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— Voici, dit le curé. Elle ne pense plus qu’à toi, alors que tu étais jeune au berceau. Maintenant que tu es grande, elle ne saurait te reconnaître.

— Que faire alors ? dit l’enfant dont les grands yeux s’étaient voilés de larmes à ce récit.

— Ton père vit, mon enfant, lui il saura te reconnaître et t’aimer. Pauvre George ! il sera heureux de te revoir. Sa joie sera immense, et ta présence sera pour lui un ample dédommagement aux douleurs éprouvées auprès de ta mère qui n’a plus d’idée elle-même. Ainsi nous allons aller chez ton père pour que son ivresse ne soit pas retardée. Sache que ta pauvre mère a des moments de calme et de quiétude qui nous donnent l’espoir de la voir revenir.

Dieu vous écoute ! Ainsi, j’espère que par une de ces heures trop courtes de lucidité, la vue et le contact de cette enfant qui est le sien, la ramèneront à elle et lui redonneront la santé de l’intelligence, la lumière du cerveau.

Remercions Dieu, mes enfants, de nous avoir ménagé si visiblement un effet de sa puissance et de sa bonté. Et le prêtre s’agenouillant au pied du Christ, récita avec ferveur l’oraison dominicale,

Maintenant, viens avec moi, Armande, au-devant d’un père qui a toujours espéré en Dieu et dont l’espérance n’a pas été confondue ; viens illuminer un peu cet intérieur où la douleur s’est assise. Et ils partirent dans la direction de la demeure de George Dubois.

N’essayons pas de décrire cette scène de la rencontre d’un père malheureux mais plein d’espoir, et de son enfant perdu depuis plus de quinze ans. Qu’importaient les preuves, le cœur parlait en lui,