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plus généraux circuler dans ses veines ; comme il sentait son cœur battre plus à l’aise dans sa poitrine, alors que sa femme et son enfant lui souriaient en le caressant chacun leur tour. Chères âmes, disait il, « pour vous j’ai souffert, pour vous j’ai espéré. Voyez ce qu’ont fait les angoisses : mes cheveux sont grisonnants, et mon cœur pourtant a des ardeurs d’un jeune homme de vingt ans. Pour toi, Alexandrine, à cette heure qui me voit dans tes bras, je rajeunis de cent ans. Oh ! que mes peines sont amplement compensées aujourd’hui. Pendant vingt ans j’ai vécu d’espérance, et aujourd’hui j’ai la réalité, réalité visible, palpable  »  ; et pour affirmer ses paroles ses bras s’arrondissaient pour confondre sur sa vaste poitrine ces trésors précieux d’où dépendait son bonheur.

Les jouissances d’un amour calme, d’un intérieur plein de douces ivresses, venaient s’asseoir encore une fois au loyer de George, et cette fois pour ne plus finir. Cette demeure, naguère image vivante d’un tombeau vivant peuplé de squelettes ambulants, reprenait une apparence plus gaie, plus réjouissante.

Tout avait vieilli ; Alexandrine avait blanchi. Oh ! quelle longue nuit pour moi ! disait-elle. Comme j’ai dû vous faire souffrir, toi surtout, mon George. Que d’amour profond il t’a fallu pour me veiller avec patience, devancer mes désirs inconscients, calmer mes douleurs, tromper mes ennuis. Tu es un ange, et Dieu te récompensera comme je vais essayer de te rendre tout cela par mon amour empressé, par mes caresses profondes et pleines de sincérité.