Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/39

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— Ne parlez pas de cela. Je veux, je dois travailler. Eh ! quoi, je me laisserais aller à un repos énervant ? À quoi m’aurait servi, je vous le demande, d’aller user ma santé sur les bancs d’un collège ? Je perdrais insensiblement le peu de connaissances que j’ai. Ne rien faire, ce serait folie. Tout homme, s’il ne travaille, voit tous les vices germer sur son chemin. Il lutte en vain, sans énergie ; il faut qu’il succombe. Je travaillerai, maman ; si non, j’aurai des remords ma vie durant.

— Allons, George, quelles idées as-tu ? Tu sais bien que nous voulons te garder avec nous. Nous sommes bien, riches même ; tu ne serais pas en peine de vivre ! Prends femme et reste avec nous…

— Ne parlons pas de cela, mère ; ma résolution est prise. Je ne veux rien devoir à autrui. Ce que mes parents ont ramassé, c’est pour eux, sur leurs vieux jours. Pour moi, quand je prendrai femme, je veux pouvoir lui dire : Je vous apporte mon âme, mon nom et tout ce que j’ai gagné à la sueur de mon front. N’est-ce pas beau, cela, maman ?

— J’avoue que c’est beau, mon fils ; mais ce n’est pas aussi bon pour le cœur d’une mère. Je sais bien, mon fils, que le bon Dieu le veut ainsi : que le fils se sépare du père et de la mère, pour aller chercher ailleurs ce qu’il lui faut, et que nous, parents chrétiens, prêtant l’oreille à la loi naturelle qui l’exige, nous courbions nos fronts ; mais, mon George, quand on veut prévenir cet éloignement, quand on a